Reprendre le contrôle : ironies et ennuis
"Reprendre le contrôle : ironies et ennuis" (2018) 51 Revue juridique Thémis 159-188
Ce texte est basé sur le discours-programme d’une conférence tenue à l’Université de Montréal le 29 mars 2018 à l’occasion du premier anniversaire de la notification par le gouvernement britannique de son intention de quitter l’Union européenne en vertu de l’article 50 TUE.
Prenant pour thème l’idée que la Grande-Bretagne «reprend le contrôle», j’identifie plusieurs ironies au sujet du «contrôle» censé avoir été «repris» et de la façon dont il sera réparti entre les organes du gouvernement.
Premièrement, le résultat du référendum exerce une force gravitationnelle importante, de sorte qu’en matière de Brexit, on peut dire que la souveraineté populaire l’emporte sur la souveraineté parlementaire. En effet, ayant donné à l’exécutif une base législative pour l’envoi de la notification prévue à l’article 50, le Parlement nominalement tout puissant dispose de peu de moyens législatifs pour influencer le cours du Brexit.
Deuxièmement, après avoir «repris le contrôle», le Royaume-Uni propose de rendre rapidement le contrôle aux institutions de l’UE, en adoptant les normes du droit de l’UE par l’Union européenne (projet de loi de retrait) et en acceptant de rester lié par le droit européen. “environ deux ans”.
Troisièmement, le Parlement sera obligé, afin de préserver la cohérence du système juridique britannique, d’accorder des pouvoirs étendus à l’exécutif pour appliquer l’accord de l’article 50, permettant essentiellement aux ministres de légiférer sans passer par les procédures parlementaires ordinaires.
Quatrièmement, une part importante du «contrôle» qui a été «ramené» de l’Europe finira entre les mains des juges britanniques, qui détermineront la relation entre les normes du droit de l’UE antérieures au Brexit et les développements post-Brexit, et établiront limites aux pouvoirs ministériels de légiférer par règlement. En effet, les juges ont déjà, dans la décision décisive de Miller / Secrétaire d’Etat à la sortie de l’Union européenne, développé le droit constitutionnel britannique d’une manière nouvelle pour tenir compte du Brexit.
Cinquièmement, les parties décentralisées du Royaume-Uni exercent une influence significative sur le cours du Brexit, bien que le résultat probable des négociations entre le gouvernement central et le gouvernement déconcentré soit noyé dans le doute car le gouvernement britannique n’a pas encore développé une vision cohérente du niveau. Westminster, Holyrood, Cardiff, Stormont – où les puissances rapatriées d’Europe devraient être exercées.
Mon but n’est pas de remettre en question le résultat du référendum, ni même de suggérer qu’un avertissement préalable de ces ironies aurait convaincu une majorité d’électeurs de rester dans l’UE. Néanmoins, «reprendre le contrôle» s’avère très difficile dans la pratique, une leçon que d’autres mouvements politiques nationalistes, populistes et isolationnistes feraient bien d’apprendre.
This content has been updated on January 20, 2020 at 01:36.